Histoire d’oiseaux : la Foulque Macroule
L’histoire qui va vous être comptée montre, une fois de plus, combien le sens écologique, ce n’est pas automatique ! Et que, malgré les campagnes tous azimuts visant à lutter contre la perte de biodiversité, le chemin à faire est extraordinairement long.
En attendant, faisons mieux connaissance avec l’héroïne malheureuse du jour, la Foulque macroule autrement dit Fulica atra pour les spécialistes ; un oiseau aquatique que vous avez sûrement déjà croisé. Peut-être l’avez-vous-même confondu (avec une autre espèce de la même famille) à cause de son physique rappelant… une poule d’eau !
Attendez… Ça ne vous dit rien ? Et si je vous disais plutôt la judelle ou la jouzelle* ?
Et si je vous parlais de cet oiseau noirâtre au bec blanc surmonté d’une plaque blanche allant et venant sur le lac de Tanchet aux Sables-d’Olonne ? Cette fois, nous y sommes, continuons !
* c’est bien la prononciation mais en réalité, on devrait écrire jhosèle (dans notre langue poitevine).
Appartenant à la famille des Rallidés, on la reconnait donc grâce à son bec blanc surmonté d’une plaque frontale de couleur identique ainsi qu’à sa silhouette sombre et bossue. Si vous l’observez hors de l’eau, vous remarquerez une particularité assez étonnante : ses larges pattes aux doigts lobés, blancs et qui ressemblent presque à des plumes. Le plumage des juvéniles est quant à lui plus voyant puisqu’il est recouvert d’un duvet noir sur le corps, mais sa tête est irisée de rouge, orange, jaune et violet.
La foulque macroule est un oiseau aquatique qui affectionne particulièrement les eaux peu profondes telles que les marais, les lacs, les étangs, les rivières… car elle y trouve sa nourriture et de quoi bâtir son nid. On la rencontre aussi sur les plans d’eau de lagunage ou de stockage d’eaux usées ! Son régime est principalement végétarien. Il se compose de plantes aquatiques et terrestres, de graines et de fruits. Des petits mollusques, insectes et larves peuvent s’ajouter à ce régime.
La reproduction de cet oiseau s’étend de février à septembre. Après avoir migré jusqu’à son site de nidification, le couple, souvent déjà formé, s’installe dans un territoire donné qu’il sera amené à défendre. Une fois cette période terminée, de nombreux juvéniles se rassemblent, souvent aux côtés d’adultes non nicheurs ou ayant terminé leur reproduction. Ces rassemblements post-migration se préparent dès le mois de juillet, mais cette dernière n’aura lieu que plus tard, de septembre à novembre. Les oiseaux qui nichent en France se dirigeront vers le Sud (Espagne, Portugal…) et seront remplacés par des individus qui proviennent d’Europe du Nord. On peut donc observer des Foulques toute l’année en France, mais ce ne sont pas les mêmes individus !
Anecdote : Le vol de la foulque est identique à celui du canard plongeur : pour s’envoler, elle doit courir sur l’eau. Cette technique peu discrète et assez lente présente un certain désavantage pour sa survie. C’est pourquoi les déplacements de cette espèce sont principalement nocturnes afin de ne pas attirer les prédateurs comme le Faucon pèlerin, l’Autour des palombes… et l’Homme !
Notre histoire d’oiseaux se poursuit donc, mais plus tristement…
Fin octobre-début novembre, une troupe de migrants fit alors halte (prolongée) dans les marais de la Guittière. Peut-être 500 bêtes, occupant alors les plans d’eau d’un marais à poissons et les bossis l’entourant, en guise de reposoir.
Une partie de ce marais avait vocation à accueillir des huîtres en affinage, et on peut tout à fait comprendre que la qualité de l’eau pouvait en être fortement altérée, mais de là à procéder à un abattage en règle ? De très nombreux chasseurs invités à la curée, le mardi 12 novembre dernier, participèrent au massacre de 8 heures à 9 heures 30. Les riverains parlent de 50 à 60 coups de fusils – plus sans doute – sur des oiseaux en vol à fleur d’eau (car ils ne quittent leur plan d’eau que de nuit) et en masse compacte ! On imagine aisément le résultat.
Quand bien même quelques-uns d’entre nous n’approuvent pas vraiment la chasse dans ses grandes lignes et en particulier sur les espèces migratrices, nous avons toujours eu des relations de compréhension avec les chasseurs respectueux de la nature… et ils sont nombreux, je le sais. Mais là ! Un chasseur avouait même ne pas avoir ramassé les foulques qu’il venait d’abattre… Quelle publicité pour une activité de moins en moins en phase aves nos sociétés actuelles !
À ceux qui, dans certaines associations environnementales, se cachent derrière le fait que la Foulque macroule est toujours classé « gibier », et n’osent dire mot, me scandalise tout autant. Pour rappel, le site jouxte un espace naturel sensible (ENS), est en site classé, en site Natura 2000 et bientôt en Grand Site de France ! Quelle publicité !
On aurait pu procéder à un effarouchement en fin de journée, peut-être plusieurs jours de suite et avec des bénévoles nombreux… et nous aurions répondus présents ! Non, un balltrap sur plateaux vivants était effectivement plus générateur d’adrénaline ! Mais comment en est-on arrivé là ? Puisse l’histoire ne plus se renouveler.
Pas assez discrète, l’affaire a fuité au niveau national sur des réseaux sociaux, dont un consulté par plus de 20 000 personnes. Elle a scandalisé partout et dans toute la France « naturaliste » ! Mais comment en aurait-il pu être autrement ?
Si, sur environ 21 000 000 d’animaux tués en France* dans le cadre de la chasse, l’essentiel est élevé à ces fins ou est notoirement nuisibles à nos activités (sanglier, lapin de garenne), il reste cependant des cas où l’animal connait des baisses notoires de ses populations alors que se poursuit une pression de chasse irraisonnable, plus particulièrement sur des espèces migratrices comme les grives : la Grive musicienne – 6% en 18 ans** ou la Grive mauvis avec une baisse de plus de 30% en 10 ans et considérée d’ailleurs comme quasi menacée.***
* Source : ONCFS
** Source : Vigie Nature
*** Source UICN